Lettre au commandant Brandacier

En début d'après-midi, un homme porteur d'une armure lourde vint à Sombre-Comté, où les habitués de la taverne le virent discuter avec la veilleuse Elenwe. Un peu plus tard, ce même homme revint et se rendit directement auprès de l'intendant pour lui remettre une lettre qu'il demanda, soit expressément remise au commandant Brandacier, et à lui seul.

Citation :

Cher Norlf,

Des années ont passé avant que je ne me décide enfin à remettre une botte à Sombre-Comté, et quelle ne fut pas ma joie de savoir que tu étais encore en vie et mieux encore, que tu commandais aux volontaires des Veilleurs. Longtemps je crus qu'Eiluna et moi avions été les seuls survivants de notre époque, ce n'est donc pas sans un certain soulagement que j'ai l'occasion de te laisser cette lettre.

J'ai perdu tout contact d'avec nos anciens camarades : Merilwen, Norono, Ilassa, Samuel, Lökmir, Camille et les autres... ils se sont tous évanouis dans l'histoire. Une rumeur m'est parvenue, selon laquelle Drokan avait été tué, ou s'était suicidé. J'ai bien du mal à le croire, mais je n'ai retrouvé aucune trace de lui. Le monde change et s'obstine à nous effacer, peut-être est-ce là la conséquence logique voulant permettre une succession libre des chaînes que nous avions érigé au passé.

J'ai ouïe dire par une ancienne connaissance que tu avais conservé l'intégralité des parchemins qu'autrefois, j'eus disposé au profit de la bibliothèque. J'en tire une certaine fierté, même si je te mentirais si je feintais de ne pas avoir ressenti un peu de vexation au fait que mon nom et ma signature aient été effacés des parchemins. Mais je ne t'en tiens pas rigueur, cela n'a plus d'importance, après tout, nous avions promis dévotion aux Veilleurs et à Sombre-Comté, aussi tout ce que nous avons fait et sommes destinés à faire se doivent de l'être sans attendre de reconnaissance. C'est donc mieux ainsi. Je suis tout de même fier oui, que tu ai conservé cette part écrite de notre passé, ainsi que nos valeurs et nos méthodes.

S'il nous regarde depuis l'au-delà, je suis certain que Drokan en est touché. Je n'ai aucune intention de me faire connaître comme celui que je fus, le passé est le passé et je suis un anonyme maintenant, aussi ne craint pas que je perturbe tes affaires, Sombre-Comté est sous ta protection et c'est bien ainsi. J'en tire la conclusion de par ta position que tu as échappé au mal qui te poursuivait, cela aussi me ravi.

En dépit de mon exil qui a été mon salut et a pu concrétisé mon retour à la lumière, Sombre-Comté est mon foyer. J'en suis tombé amoureux autrefois et toute volonté ne saurait m'empêcher d'y revenir, surtout la mienne aussi butée soit-elle. Je conserve l'intention de m'y installer et peut-être, sans doute, d'y mourir.

Je souhaite te revoir, pour discuter autour d'un verre et trinquer à la mémoire de nos camarades. Si tu l'acceptes, adresses-moi une réponse par l'intermédiaire du tavernier, je reviendrais à Sombre-Comté et lui paierais son dû.

Quelque soit ta décision, puisse la Lumière te préserver et préserver les tiens, comme elle a su préserver mon âme et ma famille.

Ton vieil ami.
Tristan.

Le Commandant aura décidé, pour une fois, de sortir sa plume et un parchemin pour rédiger une réponse rapidement. Il pressa un de ses Veilleurs de la confier au tavernier.

Citation :

Cher Tristan,

Je te croyais mort. Lorsque je suis revenu dans le bois, une autre avait pris la place de Commandant, une certaine Kateline, et Camille était sous ses ordres. Elle m'a dit que vous étiez mort, Eiluna et toi, dans le nord du royaume. Je suis donc sincèrement heureux de te savoir en vie et j'espère sincèrement qu'Eiluna t'accompagne toujours.

Je te rassure, Drokan n'est pas mort. Loin de là. Je l'ai revu l'an passé, ou il y a deux ans, quand il est revenu au bois. De même que certains anciens. Camille était encore en vie quand j'ai repris le Commandement il y a sept ans. Merylldius, si tu te rappelles de lui, est à Dalaran pour ses études, aux dernières nouvelles. J'ai revus Lokmir l'an passé, lui aussi se portait bien. A vrai dire, je ne compte que très peu de mort, voir aucun puisque maintenant j'apprends que tu es en vie.

Je n'ai pas pu sauver tous tes ouvrages, beaucoup ont brûlé avec le feu. Ceux que j'ai pu sauver portent encore normalement ton nom et, s'il a disparu avec le temps, je me ferai un plaisir de l'y remettre. Si cela peut, toutefois, te rassurer, je ne tire aucun mérite de tes écrits, précisant bien qu'ils viennent de toi à chaque personne qui les lis. La Pénombre, et le royaume, me sait bien trop peu intelligent et patient que pour écrire des textes dont toi seul à le secret !

Drokan n'est pas si touché que ça. Le pauvre a du mal à concevoir qu'on ne suit pas tous la Lumière comme lui, son côté écarlate qui ressort. Si tu tiens à ce que ton identité, ton passé chez nous, reste un secret, il le sera. Je ne peux empêcher les gens qui t'ont connus de te reconnaitre mais le reste ne sera pas au courant de ce qui s'est passé.

Sache que tu es le bienvenue à Sombre-comté, toi et ta famille et c'est avec plaisir que je t'y recevrai et te trouverai un logement.

Que la Pénombre te veille,

Norlf Brandacier.

Une réponse fut laissée en fin de soirée par l'intermédiaire du tavernier, payé pour la transmettre à l'intendant au petit matin le lendemain, qui lui-même présentera la missive adressée au commandant.

Citation :

Je ne tiens pas particulièrement au secret car je ne cherche pas à me cacher du passé, mais je ne projette pas plus de le crier sur tous les toits, je te laisserais ainsi loisir de décider de ce que tu souhaiteras dire ou taire mon ami. Quant aux parchemins, ils sont bien ainsi.

Fais-moi part de tes disponibilités, je m'efforcerais de me présenter au mieux de ton temps libre.

Tristan.