''Alors ma grande, tu vas le prendre ton remède ?''
Elle était épuisée depuis les invasions de morts-vivants. La reconstruction de Sombre-Comté ne tarderait pas à s'achever grâce à l'effort collectif et solidaire qui avait découlé de ces sombres événements.
Mais les choses ne s'amélioraient toujours pas.
De nombreuses veillées funéraires ont été organisées pour les civils et volontaires tombés au combat, mais prochainement, le second des veilleurs devra en organiser une autre.
Une pour Dean, l'ancien sergent Instructeur des veilleurs et époux du haut veilleur Claircoeur Maranna et une pour l'ex veilleur Shenh Carribeane.
Les circonstances de sa mort sont floues, mais elle se devait de mettre une raison sur le document et anticiper les réactions à venir, notamment celle de Roly Irod, ex compagnon de la dénommée Shenh.
Ce bois et cette vie prenaient prématurément le dernier souffle des veilleurs.
Elle en avait toujours eu conscience tout comme le commandant, mais à chaque fois qu'une annonce devait être faite, c'est le cœur lourd qu'elle gravait ses mots sur le parchemin.
Elle avait quarante huit années de vie, ce qui était honorable avec la vie qu'ils menaient mais c'étaient les plus jeunes qui partaient en premier.
Était-ce du à un manque de formation ou bien les circonstances de la vie elle-même ?
Nul ne pouvait avoir une réponse bien définie car au final, les dés du hasard s'abbataient toujours et continueront de rouler sur la table même après que le dernier veilleur ai été inhumé sur cette terre maudite pourtant si chère à leur cœur.
Cela faisait en réalité trois mois qu'elle n'avait plus touché une goutte d'alcool et bien que les nuits furent affreuses sans, ses gélules n'étaient plus consommées, elles aussi.
Seule la feuillerêve restait encore pour ne pas craquer.
Elle était seule dans le bureau rénové de l'hôtel de ville.
La tête contre le bois de la table centrale, elle fixait la bouteille de rhum face à elle.
Face à elle, une autre matsu, créée de toutes pièces par son esprit torturé qui la regarde d'un air désapprobateur.
'' Tu sais. Tu sais très bien ce qu'il se passe. Ce travail, chronophage. Ces bouches insatiables qui appellent après toi constamment pour réparer le moindre bobo, le moindre état d'âme.
Et ça, c'est le remède.''
Terminant sa dernière phrase, elle désigna la bouteille. Matsu senti les larmes couler sur ses joues. Elle était à bout. Fuir ou se tirer une balle avec son six-coups. Elle y avait tant penser ces derniers temps.
Mais elle ne pouvait le faire par respect pour ceux tomber et qui tomberont chaque jour pour ce bois en ayant l'envie de vivre.
Envoyant valser dans un accès de rage la bouteille qui s'écrasa au sol, elle s'empara d'un parchemin et d'une plume.